La Carte D'accompagnateur De Loisirs : Un Outil De Soutien à La Participation Des Personnes Handicapées à Des Activités Récréationnelles, Culturelles Et Touristiques
Par Josiane Corbeil – Office des personnes handicapées du Québec (Canada)
J’ai le plaisir de présenter aux participantes et aux participants un important projet en développement au Québec, celui de la Carte accompagnement loisir (CAL).
Le plan de présentation sera le suivant.
Dans un premier temps, je vous expliquerai la fonction de la Carte accompagnement loisir et les objectifs qu’elle poursuit.
J’aborderai ensuite le cadre d’actions gouvernemental ainsi que le plan de travail desquels émane cette carte.
J’enchainerai avec des informations sur les travaux interministériels associés à la création de la CAL au sein de l’appareil d’État québécois.
Je donnerai également des détails pratiques la concernant, c’est-à-dire, ses caractéristiques, les critères d’admissibilité, le processus d’accès.
En terminant, je fournirai un aperçu des étapes à venir en ce qui a trait au déploiement de la Carte accompagnement loisir et, de façon plus générale, sur ce qui est prévu pour obtenir d’autres gains en matière d’accompagnement au profit des personnes handicapées.
On le sait, même si un lieu est accessible, qu’une activité est adaptée ou que des aides techniques sont disponibles, bon nombre de personnes handicapées ont besoin d’être accompagnées pour réaliser une activité ou accéder à des biens et des services. Dans le contexte qui nous intéresse aujourd’hui, le rôle de l’accompagnateur est de fournir des services à la personne handicapée qui ne sont habituellement pas offerts par le personnel en place par exemple, l’assistance personnelle, le soutien à l’alimentation, l’utilisation de l’équipement, etc.
La fonction de la Carte accompagnement loisir est d’accorder la gratuité d’entrée à l’accompagnateur d’une personne handicapée qui ne pourrait, sans l’assistance ou la suppléance de son accompagnateur, pratiquer une activité de loisir, culturelle ou touristique. Sur présentation de cette carte auprès des partenaires qui l’acceptent, la personne handicapée paie son entrée, mais la gratuité est offerte à son accompagnateur.
La carte poursuit essentiellement trois grands objectifs :
- Elle vise à augmenter la participation des personnes handicapées à ce type d’activités dans des conditions équivalentes aux autres citoyens;
- Elle élimine des frais supplémentaires, car il est bien connu que la présence de coûts supplémentaires liés aux déficiences, incapacités et situations de handicap est une réalité pour ce groupe de la population vivant encore globalement en situation de pauvreté;
- Finalement, en permettant aux personnes handicapées de pratiquer davantage d’activités, la carte vise à améliorer leur santé physique et mentale.
Avant d’aller plus loin dans la description de la carte, il importe de bien expliquer le cadre d’actions gouvernemental dans lequel sa création s’inscrit.
D’abord, au Québec, il y a la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale. Cette loi a été adoptée en 1978, puis révisée en 2004. Il s’agit d’une loi-cadre dans laquelle le législateur requiert l’implication de tous afin de favoriser l’intégration des personnes handicapées à la société, au même titre que tous les citoyens, notamment en prévoyant diverses mesures visant à réduire les obstacles à leur pleine participation sociale.
Découlant de la loi, une politique gouvernementale a été adoptée en 2009. Il s’agit de la politique À part entière : pour un véritable exercice du droit à l’égalité. La politique À part entière détermine des bases communes pour l’intervention afin d’atteindre des résultats tangibles en matière de participation sociale des personnes handicapées, et ce, sur un horizon de 10 ans.
La politique À part entière a lancé 3 grands défis à relever, et pour y parvenir, elle a ciblé 11 priorités d’intervention. L’une de ces priorités d’intervention vise à rendre accessibles, aux personnes handicapées et à leur famille, des services structurés d’accompagnement. Depuis l’adoption de la politique gouvernementale, plusieurs actions ont été menées par l’Office au regard de la priorité d’intervention concernant l’accompagnement.
Considérant l’étendue et la complexité de ce chantier, l’Office a entrepris des consultations auprès des principaux représentants du mouvement d’action communautaire autonome des personnes handicapées (MACA-PH) vivant au Québec pour identifier les enjeux qui leur semblaient les plus importants concernant l’accompagnement. Dans cette foulée, un plan de travail contenant 4 objectifs bien précis à atteindre d’ici 2019 a été élaboré par l’Office et adopté par son conseil d’administration. Parmi ces 4 objectifs, la reconnaissance des besoins d’accompagnement des personnes handicapées par l’émission et la consolidation d’une carte a été identifiée comme étant celui qui était prioritaire. Pour l’atteindre, une approche par étape a été retenue, c’est-à-dire qu’il a été convenu de consolider un secteur d’activités à la fois. Celui du domaine du loisir, de la culture et du tourisme a d’abord été retenu.
Des conditions essentielles à respecter dans le cadre de la réalisation des travaux en vue de l’atteinte de cet objectif ont aussi été exposées :
- La première condition : Associer un financement dédié pour assurer la pérennité de cette carte.
- La seconde : Que la carte soit octroyée par l’entremise d’un mécanisme simple, mais crédible de façon à soustraire les personnes handicapées à toutes nouvelles exigences d’évaluation s’ajoutant à celles qu’elles doivent respecter pour accéder à certains programmes, mesures ou services.
Un comité interministériel coordonné par l’Office a été créé pour favoriser l’atteinte de cet objectif. Les ministères de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, du Tourisme, de la Culture et des Communications ainsi que le ministère de la Santé et des Services sociaux étaient de la composition de ce comité. L’une des principales tâches réalisées par les membres du comité a été de documenter les titres d’accompagnement existant ayant pour finalité d’accorder la gratuité à l’accompagnateur d’une personne handicapée. En effet, il en existe un certain nombre au Québec, plus nombreux dans le domaine du transport. Le comité s’est attardé aux modalités entourant leur gestion, leurs caractéristiques, leur fonctionnement et leur financement. Le comité a donc pu en arriver à une analyse des éléments qui lui semblaient essentiels pour en arriver à émettre une carte pérenne, simple d’accès, tout en étant crédible et bénéficiant d’une promotion efficace.
De cette analyse, la Vignette d’accompagnement touristique et de loisir (VATL) s’est révélé un modèle inspirant. La VATL est issue d’une initiative du milieu associatif des personnes handicapées. Elle est disponible depuis une vingtaine d’années. Environ 25 000 personnes handicapées au Québec possèdent la VATL et elle est reconnue par environ 1 500 sites de loisirs, touristiques et culturels.
Parallèlement à la documentation des titres d’accompagnement existants, de nouvelles rencontres avec le mouvement d’action communautaire autonome des personnes handicapées se sont tenues. La création de la Carte accompagnement loisir, une version optimisée de la VATL, a été proposée. À terme, la Carte accompagnement loisir remplacera graduellement la Vignette d’accompagnement touristique et de loisir.
Les principales caractéristiques de la Carte accompagnement loisir se résument ainsi : La carte figure parmi les mesures inscrites au Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale 2017-2023. À ce titre, elle bénéficie d’un financement étatique dédié permettant son développement, sa mise en œuvre et sa promotion.
Sa gestion est assurée par un organisme national issu du milieu associatif ayant pour mission la promotion et le développement du loisir des personnes handicapées. En fait, il s’agit de l’Association québécoise pour le loisir des personnes handicapées. Il faut savoir que la gratuité offerte à l’accompagnateur repose sur l’adhésion libre et volontaire des partenaires privés, communautaires, municipaux et institutionnels. Quant aux choix de l’accompagnateur, celui-ci relève de l’unique décision de la personne handicapée.
Finalement, sur le plan pratique, la carte est offerte sans frais aux personnes admissibles et elle est renouvelable aux 5 ans. Elle est personnalisée, c’est-à-dire qu’une photo du détenteur y est apposée. En ce qui a trait aux critères d’admissibilité, les personnes qui demandent la carte doivent d’abord répondre à la définition de personne handicapée telle qu’explicitée dans la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, c’est-à-dire : « Toute personne ayant une déficience entraînant une incapacité significative et persistante et qui est sujette à rencontrer des obstacles dans l’accomplissement d’activités courantes ». Mentionnons que cette incapacité peut être motrice, intellectuelle, de la parole, visuelle, auditive ou associée à d’autres sens. Elle peut être reliée à des fonctions organiques ou encore liée à un trouble du spectre de l’autisme ou un trouble grave de santé mentale. Les demandeurs doivent également être âgés de 5 ans et plus. Finalement, les personnes handicapées qui en font la demande doivent avoir besoin d’accompagnement pour au moins une des raisons suivantes :
- s’alimenter
- se déplacer
- communiquer
- réaliser ses soins personnels
- s’orienter
- assurer le déroulement sécuritaire de l’activité
Dans une perspective de simplification des démarches d’accès aux programmes, mesures et services aux personnes handicapées et à leur famille, deux options s’offrent à elles pour obtenir la CAL.
La première consiste à présenter une preuve de son admissibilité déjà établie à :
- certains programmes gouvernementaux dédiés aux personnes handicapées ou
- à certaines mesures fiscales ou 3. à d’autres titres d’accompagnement judicieusement ciblés.
Quant à la seconde option, elle s’adresse aux personnes handicapées qui ne bénéficieraient d’aucun des programmes et mesures fiscales retenues, ou qui n’auraient aucun des titres d’accompagnement reconnus aux fins de l’admissibilité à la CAL. Ces personnes pourront demander à un professionnel du réseau de la santé et des services sociaux d’authentifier les renseignements sur le formulaire de demande au sujet de leur besoin d’accompagnement.
Selon notre analyse, cette seconde option sera utilisée de façon marginale, car il est peu probable qu’une personne handicapée admissible ne bénéficie minimalement d’aucun des programmes et des mesures fiscales ciblés.
Au chapitre des perspectives, nous sommes confiants que la Carte accompagnement loisir sera disponible dans les prochains mois, et que dès lors, le passage de la Vignette d’accompagnement touristique et de loisir vers la Carte accompagnement loisir pourra s’amorcer graduellement. Au moment opportun, des stratégies de promotion de la CAL seront mises en œuvre, notamment pour augmenter le nombre de personnes handicapées pouvant profiter de cet outil, et évidemment le nombre de partenaires qui l’accepteront et offriront par le fait même la gratuité d’entrée à l’accompagnateur.
À plus long terme, il est aussi envisagé d’évaluer les retombées de cette carte sur la participation sociale des personnes handicapées. De façon plus globale en ce qui a trait à la priorité d’intervention inscrite à la politique gouvernementale À part entière concernant l’accompagnement, l’atteinte des autres objectifs du plan de travail est évidemment visée d’ici le 31 mars 2019. En somme, toujours en lien avec la reconnaissance des besoins d’accompagnement, notre énergie sera consacrée aux chantiers liés à l’harmonisation des pratiques en matière d’accompagnement dans le domaine du transport. Un autre des objectifs vise à identifier des pistes de solution pour répondre aux besoins d’accompagnement « spécialisés », le plus souvent exprimés par des personnes ayant des déficiences, incapacités et situations de handicap graves et qui ne trouvent pas de réponse dans l’offre de services dite « traditionnelle ». En soutien à une pratique de qualité, un inventaire critique des formations en accompagnement disponibles sera réalisé. Finalement, conformément à son rôle-conseil, l’Office encouragera le renforcement des acquis en matière d’accompagnement dans les programmes et les services publiques à travers l’élaboration de politiques, stratégies, plans d’action ou toutes autres initiatives gouvernementales, lorsque pertinent.